Si l’on excepte les soulèvements limités de 1799, 1815 et 1832, les Guerres de Vendée se sont déroulées de 1793 à 1796 (exécution de Stofflet et Charette). Et ont durant cette période entraîné la mort d’environ 200 000 personnes (1), dans leur immense majorité des non-combattants : en proportion, c’est comme si à l’issue de l’occupation allemande il avait manqué huit millions de Français. Or il s’agit ici d’une guerre franco-française (parfois qualifiée de génocide), qui bien qu’ayant causé en pourcentage plus de pertes que celle 1914-1918 est absente de l’enseignement officiel. Le sujet a pourtant fait l’objet de très nombreuses publications jusqu’à nos jours, et nous ne pourrons que l’effleurer bien qu’ayant choisi de nous limiter à l’année 1793 et à ce que les contemporains avaient appelé la « Grand’guerre ».

LA VENDEE MLITAIRE
Parce que c’est dans ce département que les troupes régulières de la République ont essuyé leur première défaite, la Convention a employé le mot « Vendée ». Ceci entraînant de fâcheuses confusions, l’historien Crétineau-Joly a inventé la formule « Vendée militaire » pour désigner le pays insurgé.
Celle-ci comprend approximativement : le Bocage vendéen et le Marais breton pour le département éponyme, la moitié nord des Deux-Sèvres, l’ensemble du Maine-et-Loire et de la Loire-Atlantique (alors Loire-Inférieure) au sud de la Loire. Cette précision est essentielle, car les soulèvements au nord de celle-ci sont appelés « chouanneries », le terme de « Chouans » étant réservé aux contre-révolutionnaires du nord du fleuve, bien que souvent attribué abusivement aux Vendéens.
Ainsi trois provinces d’Ancien régime étaient concernées : Le Poitou, l’Anjou et la Bretagne. La Vendée militaire comptait alors 773 communes peuplées de 815 029 habitants (2).
Il faut préciser que si ce « pays insurgé » a pris massivement les armes contre le nouveau régime après presque quatre ans « d’observation », une minorité, appartenant généralement à la bourgeoisie, était favorable à celui-ci. Elle s’est généralement réfugiée dans les villes périphériques alors que symétriquement des habitants de la zone contrôlée par les autorités républicaines allaient se battre dans les rangs de la « Grande Armée Catholique et Royale ».
Les uns étaient appelés les « Blancs », de la couleur de leurs étendards, les autres les « Bleus » de celle des uniformes des Volontaires Nationaux.
Par ailleurs, la Révolution ayant imposé son vocabulaire, le mot « patriote » désignait alors, non un défenseur du sol natal, mais un républicain extrémiste ; l’opposant étant qualifié de « fanatique » lorsque ses motivations étaient principalement religieuses ou d’ « aristocrate » (3) lorsqu’elles étaient d’abord politiques. Tous étaient englobés sous le vocable de « brigands ».
Nous avons dans notre exposé du déroulement des évènements découpé par commodité ceux-ci en quatre phases.

LES PREMISSES
Si l’on étudie sans a priori la Révolution française, force est de constater que celle-ci a été dirigée plus contre l’Église que contre la royauté. On assimile souvent la Révolution à la République. Or jusqu’au 10 août1792 la France est encore un royaume. Elle le serait probablement restée si Louis XVI avait avalisé les derniers textes dirigés contre les prêtres catholiques : c’est son refus qui sera la cause de l’émeute fatale. Ceci contribue à expliquer que des populations qui se soulèveront après cette date (et pas seulement dans l’Ouest) aient « patienté » jusque-là.
Mais les mesures antireligieuses ont été inaugurées dès 1789 avec la vente des biens d’église. Le 23 févier 1790 les ordres religieux étaient supprimés. Le 24 août la constitution civile du clergé fait élire celui-ci, mais uniquement par les notables, dont certains ne sont pas de religion catholique. Ainsi la Vendée départementale ne comporte que 478 électeurs.
Le 26 novembre 1790 un serment est exigé des prêtres. Rome prendra le temps de la réflexion pour réagir, ne le condamnant que l’année suivante.
Dans le Bocage vendéen, 121 prêtres sur 154 le refusent : pour les autorités républicaines ce sont les « insermentés » ou « non-conformistes », mais la population les appelle les « bons prêtres » et rend la vie dure aux « jureurs », surtout si ce sont de plus des « intrus » (4). Ceux-ci n’ont guère que les officiers publics comme ouailles, le restant de la population préférant assister à la « messe dans les bois ».
Aussi la législation se durcit : le 29 novembre 1791 le traitement des « non-conformistes » est supprimé ; le 27 mai 1792 une loi prescrit leur déportation. Cette période étant émaillée d’incidents sporadiques, parfois sanglants, qui opposent les fidèles du « bon prêtre » à la Garde Nationale.
A partir du 10 août et de la prise sanglante des Tuileries, le « fusible » royal saute, et la réaction n’attend même pas la proclamation de la République à l’équinoxe de septembre :
Suite à l’interdiction d’une messe, ce sont cette fois des milliers de paysans qui occupent Châtillon sur Sèvre (aujourd’hui Mauléon-79) le 21 août. Sans coordination, ils sont dispersés à coups de canon devant Bressuire. C’est la « révolte de la Saint-Louis », dont la répression sanglante laissera un répit à la République.
Le 21 janvier 1793 le roi Louis XVI est exécuté.
Le nouveau régime a manifestement voulu ainsi démontrer qu’il ne reviendrait pas en arrière, et la plupart des Français ont reçu le message. Il s’était attaché ceux qui avaient les moyens financiers de profiter de la vente des biens du clergé, ce n’était pas le cas des paysans de l’Ouest qui ne se sentent pas ses obligés. Or il va prétendre les envoyer mourir aux frontières pour sa défense, dans une guerre qu’il a lui-même déclarée.
Il ne manquait qu’une étincelle, c’est la Convention qui la provoque avec la « levée des 300 000 hommes » : les Vendéens préféreront se battre chez eux « pour leurs foyers et leurs autels » (5).

LE SOULEVEMENT
Les exigences de service dans les armées de la République n’étaient pourtant pas lourdes : 4197 hommes âgés de 18 à 40 ans, célibataires ou veufs sans enfants, devaient être tirés au sort en Vendée. Mais les Cahiers de doléances démontraient déjà que la Milice de l’Ancien régime était très impopulaire, et ce qu’on appellerait aujourd’hui les « inégalités » du nouveau n’arrangeaient pas les choses : ainsi les membres de la Garde Nationale et les fonctionnaires étaient exemptés de tirage. L’intention était-elle de garder les gens « surs » dans un pays qui ne l’était pas, tout en éloignant les éléments jugés séditieux?
Toujours est-il que les « Bocains » estimèrent que c’était à ceux qui avaient chassés leurs prêtres, tué le roi, qui s’étaient enrichis par la Révolution et avaient déclaré la guerre, d’aller la faire et défendre leur régime menacé.
Le tirage au sort qui va rassembler les hommes jeunes sera l’occasion du refus. Le 11 mars, Machecoul en Loire-Inférieure est prise par l’avoué Souchu et des « patriotes » massacrés. Mais c’est le 13 mars qui est considéré comme la date anniversaire du soulèvement.
La veille, les « gars » appelés pour le tirage à Saint-Florent-le Vieil (Maine-et-Loire), y ont bousculé la Garde Nationale qui a ouvert le feu. Auquel a répondu le feu de joie fait avec les documents du District. Il n’empêche que le sang a coulé, et le lendemain ces insurgés spontanés se rendaient au Pin-en-Mauges. Là vivait Jacques Cathelineau, le futur « Saint de l’Anjou », colporteur très pieux et instruit, que l’on qualifierait de nos jours d’ « autorité morale ».
Marié et père de famille nombreuse, il n’était pas soumis au tirage, mais il répondit aux attentes. Lui qui n’avait jamais porté les armes se mit à la tête d’une troupe improvisée de quelques dizaines d’hommes, rejointe par une autre commandée par un ancien caporal, Perdriau, et ils allèrent chasser les « Bleus » de la petite ville proche de Jallais après avoir chanté le cantique « Vexilla Régis ». Puis prendre Chemillé « dans la foulée ».
Le lendemain 14 mars, Stofflet, lui ancien caporal au « Royal Lorraine » avant d’être le garde-chasse de Monsieur Colbert de Maulévrier, s’empare de Cholet.
Les insurgés se rendent de suite compte qu’il leur faut des officiers, et ils vont au « Logis » chercher « leurs Messieurs » qui ont servi plus ou moins longtemps dans les armées du roi ou sur ses vaisseaux. Ceux-ci rechignent à marcher, leur culture militaire leur faisant mal augurer de la suite : « Mes amis, c’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer! ».
Bonchamps, d’Elbée, les deux Sapinaud, les deux Royrand partent néanmoins, plus ou moins forcés (6). Quant au célèbre chevalier Charette de la Contrie, la tradition veut qu’il se soit caché sous son lit d’où l’auraient débusqué ses paysans.
Le 15 mars Clisson est libéré, et le 19 Royrand bat les 4 000 hommes de l’armée de la Rochelle montés prêter main-forte aux Gardes Nationales débordées. Ce qui vaudra à son chef, le général républicain et ci-devant comte de Marcé, de monter ultérieurement sur l’échafaud.
Et à la guerre son nom, car le Pont-Charrault, lieu de la bataille, était situé dans le département de la Vendée.
A Paris, c’est l’affolement.

LE PRINTEMPS : L’OFFENSIVE
Le 11 avril c’est le « Grand Choc » de Chemillé, où d’Elbée et Cathelineau obligent le général Berruyer à retraiter.
Le 20, Bonchamps et Stofflet, rejoints par le jeune Henri de la Rochejaquelein, battent les Bleus près de Cholet.
Le 5 mai, Thouars est prise, « Monsieur Henri » ayant escaladé le premier les murs de la ville. Les armes saisies permettent d’équiper cette armée paysanne autrement qu’avec des faux redressées et des fusils de chasse.
Son commandement « collégial » s’accorde pour marcher sur le chef-lieu du département de la Vendée : Fontenay-le-Comte (« Fontenay-le-Peuple » selon la terminologie révolutionnaire).
Sur l’itinéraire, le 13 mai le général républicain Chalbos est chassé du chef-lieu de district de La Châtaigneraie. Mais les soldats vendéens « arrosent » leur victoire aux dépens des caves des « Patriotes ».
Si bien que le 16 mai ils ne sont plus que 6 000 pour attaquer Fontenay : attendus par des troupes régulières qui les mettent en déroute, ils perdent l’artillerie qu’ils avaient auparavant conquise. Cette défaite aura un effet stimulant : 30 000 hommes sont rassemblés et enlèvent la ville le 25 mai. Les prisonniers destinés à la guillotine sont libérés (7).
C’est lors de cette bataille qu’aura lieu l’épisode des « Mouchoirs rouges Cholet », célébré au siècle suivant par le Breton Théodore Botrel, qui en donne pour héros son compatriote Charrette, alors que c’est Monsieur Henri qui les arbora.
Mais les paysans ne gardent pas les villes, et Fontenay sera réoccupée sans combat dans les jours suivants. Néanmoins les chefs vendéens y auront publié une proclamation commune, appelant l’ensemble du peuple français se joindre à leur combat.
L’armée continue de s’organiser, et le 26 mai, à Châtillon devenue capitale de fait du pays insurgé, est créé un « Conseil supérieur pour l’administration des territoires libérés » présidé par le (faux) évêque d’Agra.
Les 9 et 10 juin, la ville de Saumur puis son château son pris après des combats farouches. Le butin est énorme: 60 canons, 15 000 « fusils de munition » (lire :
Par Louis-Christian Gautier
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réglementaires) plus 11 000 prisonniers qui seront libérés sur parole. La « Grande Armée » se dote alors enfin d’un chef suprême : Jacques Cathelineau.
Le 19, Angers est occupé sans combat.
L’on décide alors de marcher sur Nantes, dont la prise offrirait un port permettant d’acheminer l’aide anglaise, et de tendre la main aux Bretons. Le 29 juin, une attaque concentrée est lancée par la rive nord, appuyée par les canons de Charrette depuis le sud du fleuve. La ville est défendue pour la République par le général ci-devant duc de Biron, et attaquée au nom du Roi (8) par le voiturier Cathelineau.
Alors que les Vendéens progressent vers le centre, celui-ci est mortellement blessé. La nouvelle se répand et l’armée se replie.

L’ETE : LA DEFENSIVE
Le 3 juillet, le général républicain Westermann reprend Châtillon la « capitale » des « Blancs », mais le 5 il en est chassé par La Rochejaquelein, Lescure et Stofflet.
Le 18 juillet à Vihiers, malgré l’absence de leurs principaux chefs, les Vendéens mettent en déroute Santerre, qui ne doit son salut qu’à la vélocité de son cheval. Les « Brigands », qui n’oubliaient pas que ce brasseur devenu (piètre) général avait commandé le roulement de tambours couvrant la voix du roi s’adressant au peuple avant son exécution, s’étaient promis de la promener dans une cage.
Cathelineau mort, le marquis d’Elbée est élu à sa place généralissime le lendemain 19 (9).
Le 30 Juillet, les Vendéens ne réussissent pas à prendre Luçon. C’est le premier de trois échecs devant cette place républicaine sur la route de La Rochelle. Le dernier, qui eut lieu le 14 août, leur coûtera 5 000 morts : ils voulaient placer l’« évêque d’Agra » sur l’ancien siège épiscopal pour la fête de l’Assomption. Les Gardes suisses rescapés des massacres du 10 août 1792 s’y feront tuer sur place pour permettre le repli du gros de l’armée.
Entre temps, le 1° août, suivant le célèbre réquisitoire de Barère de Vieuzac, la Convention avait décidé de la « destruction de la Vendée » : ses habitants savaient que désormais ils devaient vaincre ou mourir.
Le 5 septembre, aux Quatre Chemins de l’Oie, croisement des seules véritables routes de Vendée et enjeu durant toute la guerre, les « Bleus » sont stoppés.
Mais le lendemain 20 000 « Mayençais » arrivent à Nantes : les soldats-paysans avaient bousculé sans difficulté les bourgeois en uniforme qui constituaient les Gardes nationales, puis tenu en échec des troupes médiocres ; maintenant ils allaient devoir affronter l’élite (largement issue des régiments du Roi) qui avait défendu Mayence contre les Coalisés avec tant de valeur que ceux-ci lui avait
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accordé les « honneurs de la guerre ». Elle avait pu quitter la place forte sous l’engagement de ne pas combattre les Alliés durant un an. Ce pourquoi la Convention va immédiatement l’engager contre l’« ennemi de l’intérieur ».
Néanmoins dans un premier temps les Vendéens vont arrêter l’offensive républicaine dans le nord du pays lors de plusieurs batailles, dont la plus célèbre est Torfou le 19 septembre. Kléber y sera blessé, et cet ancien officier de l’armée impériale autrichienne leur rendra hommage : « Tiaple, ces bricands se pattent pien! »

L’AUTOMNE : LA FUITE EN AVANT (« la Virée de Galerne »)
Mais les troupes de la Convention convergent vers la zone insurgée.
Le 17 octobre, à Cholet, 40 000 « Blancs » affrontent 30 000 « Bleus ». Le sort des armes est d’abord favorable aux royalistes, lorsque se reproduit le schéma le Nantes : d’Elbée, le généralissime, et Bonchamps, peut être le meilleur chef militaire, tombent. C’est la panique et se répand le cri « A la Loire! ».
Le passage du fleuve avait été « sécurisé » par les troupes du prince de Talmont, chargées également de la protection des non-combattants qui fuyaient devant les soldats républicains (10).
En deux jours, environ 80 000 combattants, femmes, vieillards, enfants, blessés, accompagnés de leurs animaux domestiques, vont franchir le fleuve.
Dans le même temps, Monsieur de Bonchamps mourant obtiendra la grâce de 5 000 prisonniers « bleus » (11).
Va s’ensuivre un exode de près de mille kilomètres dans des conditions épouvantables, où ceux qui ne périront pas en route seront rattrapé par le sort en fin de parcours (12).
Ce périple peut s’apparenter à un mouvement brownien. C’est que si l’on a abusé du terme d‘« armée populaire », il s’applique en revanche parfaitement à la Grande armée catholique et royale.
L’on n’en a guère vu d’aussi démocratique, avec ses soldats alternant combats et travaux des champs ; où les chefs étaient élus, depuis le « capitaine de paroisse » jusqu’au généralissime. Et où l’on discutait avant chaque prise de décision : ce sera sa perte face à l’organisation des forces républicaines où les généraux étaient flanqués de « représentants en mission » de la Convention, précurseurs des commissaires politiques soviétiques, et où l’échec menait généralement à l’échafaud.
Le Conseil supérieur, en remplacement de Monsieur d’Elbée gravement blessé et évacué, va élire Henri de la Rochejaquelein pour chef. Sans doute parce qu’âgé de vingt-et-un ans il ne risque pas, malgré ses qualités, de faire preuve d’autoritarisme.
Si bien qu’après avoir pensé marcher sur Paris on ira à Laval, où Talmont avait promis d’importants renforts fournis par son ami Jean Chouan. Puis l’on se dirigera vers Granville où les Anglais devaient débarquer des renforts d’Émigrés. Puis les troupes voudront retourner au pays, mais ne pourront reprendre Angers.
Tout s’explique, mais par des choix successifs et contradictoires. Ce calvaire dans le froid, la famine et la dysenterie, sera émaillé de nombreuses batailles, souvent victorieuses, mais où l’armée vendéenne s’usera irrémédiablement :
Le 25 octobre, Westermann est repoussé à la Croix-Bataille, et le 27 c’est l’ensemble des forces républicaines qui est mis en déroute par les Vendéens renforcés des Chouans du Maine à Entrammes. Le 4 novembre, Monsieur de Lescure, le « Saint du Poitou », meurt de ses blessures. Cadoudal rejoint avec quelques centaines de Chouans bretons. Les 13 et 14 c’est l’échec sous les murailles de Granville. D’ailleurs la flotte anglaise, retenue par le mauvais temps, n’est pas au rendez-vous.
Mais les Vendéens parviennent encore à bousculer les Républicains à Dol le 21 novembre et à Entrain le 22. Le 3 décembre, ils ne peuvent reprendre Angers, et vont retourner à La Flèche où ils battent de nouveau Westermann, dont les cavaliers sont toujours à leurs basques tels des chiens de sang.
Le 10 décembre, ils entrent au Mans exténués. Marceau reprend la ville qui est le théâtre de massacres plutôt que de combats, et où périssent plus de dix mille Vendéens, essentiellement des non-combattants.
Le 23 décembre, quelques milliers de soldats vendéens et autant de « civils » sont encerclés à Savenay. Ils se battent jusqu’au bout contre la vingtaine de milliers d’hommes de Kléber, Marceau et Westermann. Ceux qui ne sont pas tués sur place seront exécutés dans les jours suivants. Ceux pris ultérieurement mourront dans les
prisons de Nantes, ou en sortiront pour être fusillés dans les carrières Gigant, ou noyés en Loire sur ordre du conventionnel Carrier.
Quelques centaines d’hommes réussiront à percer sous les ordres de Bernard de Marigny, lorsque ses pièces auront tiré leurs derniers boulets.
Le commissaire aux armées Meignant pourra ainsi rendre compte à la Convention : « La route est jonchée de cadavres. Tout a été criblé par l’artillerie, le fusil et l’arme blanche. Femmes, prêtres, moines, hommes et enfants, tout a été livré à la mort. Je n’ai fait de grâce à personne ».
LA SUITE
1794 : après l’honneur, l’horreur.
La Première république ne se contentera pas des prisons comme mouroir, bien que le taux des décès y dépassait celui des camps de concentration du XX° siècle. Elle les videra par la fusillade ou la noyade ; la guillotine, lente et coûteuse, étant le dernier privilège laissé aux religieux et aux nobles dont on voulait solenniser l’exécution.
Puis sur les populations de la Vendée militaire qui n’avaient pas franchi la Loire seront lâchées les « colonnes infernales » du général républicain Turreau (ci-devant sire de Garambouville), qui ne feront même pas grâce aux « Patriotes » locaux. Ces faits répondent à la définition actuelle des crimes de guerre et contre l’humanité.
Dans un but de réconciliation nationale, la Restauration se contentera néanmoins à titre « d’épuration » de bannir les conventionnels régicides.
Sous le règne de Louis XVIII Turreau se plaindra de n’avoir pas d’avancement, mais recevra tout de même la croix de Saint-Louis. Et son nom a été gravé ensuite sur l’arc de Triomphe à Paris. En revanche on le cherche en vain dans le « Grand Larousse Encyclopédique » en dix volumes, qui recense pourtant de très obscurs personnages.

Capitaine (H) Louis-Christian GAUTIER
Maître en Histoire
Certifié d’Études Supérieures en Histoire militaire moderne et contemporaine
Diplômé Technique de l’EMSST (option Histoire)
Conseiller éditorial de la revue « Aventures et Dossiers Secrets de l’Histoire ».

Notes :
(1) C’est l’approximation la plus vraisemblable, les chiffres avancés allant d’un minimum de 117 257 victimes (Reynald Secher, thèse de doctorat d’état) à 700 000 (Général Hoche, chargé de la pacification).
(2) Selon R. Secher « Le Génocide franco-français - La Vendée-Vengé ». Sur ce sujet les différences entre auteurs sont minimes.
(3) Ceux-ci étant dans leur quasi-totalité des paysans au sens originel du mot (« habitants du pays » = ruraux). On notera l’instrumentalisation du langage par le pouvoir (de même durant la Seconde guerre mondiale ceux qui se qualifiaient de « Résistants » étaient officiellement dénommés « Terroristes »).
(4) Prêtre jureur venu de l’extérieur en remplacement d’un insermenté.
(5) Ces évènements méritent d’être étudiés rien que pour leurs enseignements valables ultérieurement : par exemple, on peut ici établir un parallèle avec le STO de la Deuxième guerre mondiale qui fut le grand pourvoyeur des maquis, les requis répugnant à servir l’occupant au loin, et dans des lieux particulièrement exposés aux bombardements alliés.
(6) A l’exception du vieux lieutenant-colonel Royrand, ce sont tous des officiers subalternes : les hauts-gradés avaient préféré partir en émigration, sauf les très nombreux d’entre eux qui, soucieux de leur carrière, servaient le nouveau régime.
(7) Cette ville de quelques milliers d’habitants a vu décapiter environ 200 « aristocrates et fanatiques ».
(8) Il s’agissait du petit Louis XVII emprisonné au Temple : la mort de son père le faisait automatiquement roi de France, et son oncle le comte de Provence (futur Louis XVIII) l’avait proclamé tel en se déclarant Régent.
(9) C’était un « titre de courtoisie », car Maurice Gigost d’Elbée n’était même pas vraiment noble : il avait siégé avec le Tiers aux états provinciaux de Poitou.
(10) Les « colonnes infernales » de 1794 n’ont pas inauguré la politique de massacres systématiques décidée le 1° août, en les accompagnant d’atrocités qui elles n’avaient pas été votées par la Convention. L’emploi de la terreur a sans doute été pour beaucoup dans la victoire républicaine : il est probable que les forces immobilisées pour la protection des populations en fuite auraient fait basculer le sort si elles avaient été engagées à Cholet. De plus Charrette était resté dans son « royaume » du Marais breton dont il assurait la sécurité des habitants.
(11) Le sculpteur David d’Angers, qui enfant suivait son père à l’armée pour manger à sa faim, se souviendra que celui-ci avait été sauvé par le général « blanc » et immortalisera son geste par un cénotaphe visible dans l’église de Saint-Florent-le-Vieil.
(12) Ce périple a été refait au jour le jour par le descendant d’un de ceux qui y avaient participé, le capitaine (e.r.) Pierre Gréau, chef de bataillon dans la réserve. Nous y avons consacré un article dans le n°51 d’« Aventures et Dossiers Secrets de l’Histoire » sous le titre « Revivre la longue marche des Vendéens ». Ce qui était initialement qualifié d’« expédition d’outre-Loire » a reçu ultérieurement le nom du vent du nord dit « Galerne ».
Pour en savoir plus :
- Association : « Le Souvenir Vendéen » BP 612 49306 CHOLET Cedex
(tél. secrétariat : 02 41 62 11 31) site Internet : www.souvenirvendeen.org
- Carte historique : « Présence des guerres de Vendée » par l’IGN (Service des ventes 107 rue la Boëtie 75008 PARIS)
- Guide : « Guide historique et touristique de la Vendée militaire » (éditions du Choletais -s’adresser à l’association qui publie par ailleurs une revue trimestrielle)
- Bande dessinée : « VENDEE 1789-1801« , texte de Reynald Sécher (éditions ERS)
- Cassettes vidéo :
« Les Vendéens », film de J. Dupont (Citel vidéo)
« Guerres en Vendée », collectif d’historiens (Vidéo-Visite)
- Livres :
« Les Guerres de Vendée » par Émile Gabory.
Ouvrage de référence encore insurpassé malgré quelques passages périmés. Réédité par Robert Laffont en collection de poche (plusieurs tomes) : peu coûteux mais de lecture incommode.
« La Vendée en armes » par Jean-François Chiappe.
Trois beaux tomes plus récents et de lecture agréable, mais « coups de projecteurs » plutôt que déroulement historique continu.
- Librairie-souvenirs vendéens :
« Pays et Terroirs » 65 Place de Rougé BP 131 49301 CHOLET Cedex (tél. 02 41 63 68 94) Internet : www.livrehistoire.fr